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Interview // Manoo

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C’est avec honneur que l’équipe Heure Bleue est allée à la découverte d’une personnalité unique à Lyon. Il anime les soirées lyonnaises depuis plus d’une quinzaine d’années à l’Ambassade notamment. Emmanuel aka Manoo nous a ouvert les portes de son univers musical et a retracé les étapes de sa carrière.

Quand est-ce que tu as commencé la musique ?

Tout petit, j’ai grandi là-dedans. Mon père était DJ pour des mariages ou soirées africaines, on avait du matos à la maison. Mon frère mixait aussi pour les soirées de quartier. J’étais donc imprégné de cet univers là. En grandissant, j’ai suivi mon propre chemin, j’ai acheté mes disques et j’écoutais beaucoup la radio où ils passaient de la dance musique et du hip-hop.  

Je suis originaire du Togo donc la musique et la culture africaine j’ai baigné dedans depuis toujours. 

D’où te vient cette culture musicale afro ?

Je suis originaire du Togo donc la musique et la culture africaine je baigne dedans depuis toujours. Quand je suivais mon père, j’avais cette idée de mêler des beats house avec des beats afros. C’est quelque chose qui est venu naturellement de par mes origines. Aujourd’hui l’afro house est mise en avant par de “vrais africains”  du continent ( South Africa, Angola, RDC, Kenya, Côte d’ivoire, Maroc, Nigeria etc ..) et non plus seulement par les dj house us ( chicago, détroit, new-york, L-A ..etc). Le pays clé, pilier de ce style musical, c’est l’Afrique du Sud. Là-bas, ce registre existe depuis 20 ou 30 ans ! A la base, c’est de la house parfois plus lente que le tempo initial avec leur influence disco funk et afro traditionnel.. C’est ce qu’ils appellent la kwaito house – ghetto house et avec le temps ça s’est développé.

Es-tu déjà allé en Afrique du Sud ?

Je suis allé en Afrique du Sud 3 ou 4 fois. La première fois en 2007/2008, c’était un choc ! J’avais eu des échos qui me disaient que c’était incroyable. Tous les âges sont touchés par la musique. Elle est présente partout. Tu es dans une voiture, au centre commercial, tu écoutes la radio ou tu allumes la télé et t’entends de la deep house. J’ai même entendu un de mes sons en rentrant d’une voiture !

Ici les gens font attention à ce que tu fais et à ce que tu passes. Ils analysent, ils ressentent ta musique et là ils commencent à apprécier.

Pourquoi es-tu allé la-bas ?

Comme pas mal de mes sons étaient diffusés là-bas, on m’a appelé pour y jouer. Je me rappelle la première fois, c’était une soirée où j’ai joué dans un bar festif. Il y avait Black Coffee qui ouvrait pour moi ! Là-bas, les gens dansent mais t’observent beaucoup. J’ai demandé à un local qui m’accompagnait si le public aimait bien ce que je passais. Il m’a répondu : “Observe. Ici les gens font attention à ce que tu fais et à ce que tu passes. Ils analysent, ils ressentent ta musique et là ils commencent à apprécier. » C’était une belle expérience.

Quel rapport les africains du sud ont avec la musique ?

Là-bas quand tu mixes, tu peux le faire dans des Townships ( ghettos ), des clubs, ou des stades. Maintenant, tu as des ambassadeurs comme Black Coffee, Culoe De Song qui ont fait exploser cette musique et la rendent accessible et tendance. C’est arrivé au moment où la house soulful des années 90 à 2000 s’essoufflait. Un nouveau genre est né, frais et organique. En ajoutant des paroles anglaises, cela donne plus de poids à cette musique qui aurait été plus compliquée à commercialiser si elle avait été 100% africaine.

Black Coffee – DJ Set à Salle Wagram pour le Cercle

Si tu pouvais qualifier ton année 2017 avec un adjectif ?

Intéressante et cool. J’ai fait des endroits que je ne faisais pas avant dont le Hï Ibiza ou Concrète. J’ai pas mal joué et fait quelques productions. J’ai aussi signé sur le label Innervisions, l’EP Toukan. Ça m’a permis de m’ouvrir vers un autre créneau et toucher plus de monde.

Quelle est la production dont tu es le plus fier ?

Celle qui va arriver, ou bien celles qui vont arriver. Elles vont constituer une étape supplémentaire dans mon parcours. Après j’ai beaucoup de mal à me poser pour faire mes production pour mon album et puis j’ai beaucoup de demande pour des remixes. Mais sinon Manoo & Francois A – A Day In December sur BuzzinFly, c’est assez calme.

Comment est-ce que tu t’es lancé dans la production ?

J’étais plus DJ que producteur à la base. Cependant, j’ai toujours eu envie de remixer. Puis j’ai commencé à produire au début des années 2000, sans trop de matos. La première vraie production, c’était avec mon collectif Sir James à la même époque que les Daft Punk. Grâce à nos contacts à Paris, on s’est dit qu’on allait faire un album. On était cinq et on a voulu proposer le projet à Universal dans un style bien french touch accompagné de samples de disco. Ils étaient emballés, mais ça a capoté. On était quand même, présent sur Private Party.

Après je me suis associé avec un pote Ludo pour le morceau Good Reason qui est sorti sur Basenotic Records, un label parisien. Puis, on a échangé avec mon ami Rocco. Il m’a présenté des gars au Portugal, on a fait un morceau ensemble sous le nom Rodamaal (contraction de Rocco-David-Manoo-Alex), nommé Love Island, sur un label lyonnais Jazz-up.

Le titre se retrouve sélectionné par Ben Watt, qui est la deuxième moitié de Everything But The Girl. En échangeant avec lui, il nous a dit qu’il montait un label BuzzinFly et qu’il voulait qu’on lui envoie nos morceaux. Plus tard, le titre Musica Feliz avec la chanteuse Nicinha sort et fait son petit buzz. Après ça, on a chacun fait un peu de remixe et de la production en solo sur ce même label. Rodamaal était compliqué à gérer car on faisait ça uniquement ensemble au Portugal. A la même époque, le collectif Âme commençait à faire le buzz et il a fait un remix du morceau et là tout à commencer.

Quelles sont tes envies pour la suite ?

Terminer mon album. Ça fait déjà 5 ans que j’en parle et j’aimerai bien le finir. Encore jouer dans d’autres pays comme le Japon ou en Amérique latine.

Quel est ton rapport avec ton public ?

Comme je suis assez discret , je ne sais pas si j’ai un public. C’est peut être à tort, vu que je fais une activité publique, mais j’essaye de ne pas trop en faire. La nuit lyonnaise me connait. J’ai déjà joué dans pas mal de clubs à Lyon notamment en tant que résident à l’Ambassade et je ne sais pas si la nouvelle génération me connait. Je suis un peu un dinosaure dans le milieu (rires). De plus en plus les gens commencent à être curieux et désirent savoir ce qui se fait de différent à Lyon.

Aujourd’hui, que reproches-tu à Lyon ? En 2011 tu disais qu’il n’y avait pas de « clubs culture » à Lyon ?

Ça s’améliore, il y a un peu plus de choix. Des promoteurs et organisateurs essayent de diversifier et de proposer de nouvelles choses.Ce que je reproche c’est que dans certains endroits, il n’y a pas de dj résidents. Ce sont plus des salles de concert que des clubs avec une identité, un style. Un club pour moi doit avoir une histoire !

Qu’est-ce que tu écoutes comme style musical ?

J’écoute de electro house, du hip-hop, du rock, de la musique latine, du zouk, downtempo. En ce moment, j’essaye de me pencher un peu plus sur des musique de films. J’aimerai bien produire pour des films.

Quelles sont les musiques que tu écoutes en boucle ?

Il y a quelques artistes dont j’essaye de ne pas rater les sorties comme Radiohead ou Little Dragon. J’écoute aussi du Tribe Call Quest et Robert Glasper. Côté scène française, j’ai récemment découvert Polo & Pan, L’Impératrice et Darius que j’apprécie beaucoup.

Un grand merci à Manoo d’avoir répondu à nos questions.